Leçons de Van Gogh
Philosophie et Spiritualité
Lettre de Vincent à Émile Bernard
Arles, fin avril 1888
Il y a tellement de gens, surtout parmi nos amis, qui croient que les mots sont insignifiants. Au contraire, ne pensez-vous pas qu'il est aussi intéressant et stimulant d'exprimer quelque chose avec éloquence que de le peindre ? Il y a l'art des lignes et des couleurs, mais l'art des mots est tout aussi significatif et durable.
Lettre de Vincent à Émile Bernard
Arles, juin 1888 (première lettre)
De plus en plus, il me semble que les tableaux qu'il faudrait faire, ceux nécessaires et indispensables pour que la peinture contemporaine atteigne son plein potentiel et s'élèvent vers les hauteurs sublimes atteintes par les sculpteurs grecs, les musiciens allemands et les romanciers français, dépassent les capacités d'un individu isolé. Par conséquent, il est probable que ces peintures seront créées par des groupes d'individus se réunissant pour réaliser une vision commune.
Lettre de Vincent à Émile Bernard
Arles, juin 1888 (troisième lettre)
Le Christ, seul parmi tous les philosophes, magiciens et autres, a affirmé la vie éternelle comme la principale certitude - l'infinité du temps et la non-existence de la mort. Cette croyance est la nécessité et la raison d'être de la sérénité et du dévouement.
Lettre de Vincent à Émile Bernard
Arles, juin 1888 (troisième lettre)
[Christ] a vécu sereinement comme un artiste plus grand que tous les artistes – dédaignant à la fois le marbre, l'argile et la couleur – travaillant dans la chair vivante. Lui, l'artiste ultime, difficilement concevable avec l'instrument obtus de nos cerveaux modernes nerveux et abrutis, n'a fait ni statues ni tableaux ni même livres... Il l'affirme haut et fort... il a rendu... les vivants immortels.
Lettre de Vincent à Émile Bernard
Arles, juin 1888 (troisième lettre)
Ce grand artiste [le Christ] n'a pas non plus écrit de livres - la littérature chrétienne dans son ensemble le rendrait en effet furieux, et très peu de produits littéraires pourraient se tenir aux côtés de l'Évangile de Luc ou des épîtres de Paul - si simples dans leur forme directe ou énergique. Ce grand artiste ... tout en dédaignant d'écrire des livres sur les idées et les émotions, tenait certainement la parole parlée en plus haute estime - en particulier la parabole (Telle que le semeur, la moisson, le figuier, etc.) Et qui oserait affirment qu'il a menti le jour où il a prédit la chute des constructions romaines et a proclamé : « Même si le ciel et la terre peuvent passer, mes paroles ne passeront pas.
Lettre de Vincent à Émile Bernard
Arles, juin 1888 (troisième lettre)
Pourtant, notre vraie vie de peintre est vraiment très humble.
Lettre de Vincent à Émile Bernard
Arles, juin 1888 (troisième lettre)
Végétant sous le joug abrutissant des difficultés d'un métier presque impraticable sur cette planète ingrate, à la surface de laquelle "l'amour de l'art fait perdre l'amour véritable".
Lettre de Vincent à Émile Bernard
Arles, juin 1888 (troisième lettre)
Puisque, cependant, rien ne s'oppose à la supposition que sur les innombrables autres planètes et soleils, il puisse aussi y avoir des lignes, des formes et des couleurs, nous restons libres de maintenir une relative sérénité quant aux possibilités de créer de l'art dans des conditions d'existence meilleures et modifiées - une existence transformée par un phénomène peut-être pas plus sournois et surprenant que la métamorphose d'une chenille en papillon, ou d'un ver blanc en hanneton.
Lettre de Vincent à Émile Bernard
Arles, juin 1888 (troisième lettre)
Cette existence de peintre-papillon aurait son champ d'action parmi l'un des innombrables astres, qui après la mort ne nous seraient peut-être pas plus inapprochables ou inaccessibles que les points noirs symbolisant villes et villages sur une carte ne le sont dans notre vie terrestre. La science et le raisonnement scientifique me paraissent être des instruments qui iront loin dans l'avenir.
Lettre de Vincent à Émile Bernard
Arles, juin 1888 (troisième lettre)
Le passage que vous avez déterré dans l'Evangile concernant Jean-Baptiste est absolument ce que vous y avez vu... des gens se pressant autour de quelqu'un - demandant : « Es-tu le Christ, es-tu Elie ? De nos jours, ce serait comme demander à l'impressionnisme ou à l'un de ses représentants pionniers : « L'avez-vous trouvé ? C'est exact.
Lettre de Vincent à Émile Bernard
Arles, juin 1888 (quatrième lettre)
... il n'y a que ce noyau, le Christ – qui du point de vue de l'art me paraît supérieur – en tout cas autre chose – à l'antiquité grecque, indienne, égyptienne, perse, qui en étaient si éloignées. Mais je le répète – ce Christ est plus un artiste qu'un artiste – il travaille dans un esprit et une chair vivants ; il fait des hommes au lieu de statues alors... .. je me sens bien d'être un bœuf – d'être peintre… et j'admire le taureau, l'aigle, l'homme, avec une vénération – qui – m'empêchera d'être ambitieux .
Lettre de Vincent à Émile Bernard
Arles, juin 1888 (quatrième lettre)
Étudier et analyser la société signifie toujours plus que moraliser.
Lettre de Vincent à Émile Bernard
Arles, juillet 1888 (deuxième lettre)
Est-ce une renaissance, est-ce une décadence, nous ne pouvons pas en être les juges, étant trop proches pour ne pas être induits en erreur par les distorsions de perspective. Les événements contemporains prennent des proportions probablement exagérées au regard de nos malheurs et de nos mérites.
Lettre de Vincent à Émile Bernard
Arles, juillet 1888 (troisième lettre)
...mais quelque chose de complet, est une perfection et nous rend l'infini tangible.
Lettre de Vincent à Émile Bernard
Arles, juillet 1888 (quatrième lettre)
Suis-je, mon cher ami Bernard, bien incompréhensible cette fois ? J'essaie de vous faire voir la grande chose simple, la peinture de l'humanité, de toute une république disons plutôt, par le simple moyen du portrait.
Lettre de Vincent à Émile Bernard
Arles, début août 1888
Quelle est l'importance des différences lorsqu'il s'agit de s'exprimer puissamment ?
Lettre de Vincent à Émile Bernard
Arles, début août 1888
Personnellement, je trouve que la continence est assez bonne pour moi. Il suffit que nos cerveaux d'artistes faibles et impressionnables donnent leur essence à la création de nos tableaux. Parce qu'à penser, à calculer et à s'épuiser, on dépense de l'activité cérébrale.
Lettre de Vincent à Émile Bernard
Arles, début août 1888
Exilée, rejetée de la société, tout comme nous les artistes, elle [la prostituée] est sans aucun doute notre amie et notre sœur. Et en se trouvant dans cette position de paria, comme nous, elle jouit d'une indépendance qui n'est pas sans avantages, tout bien considéré. N'adoptons donc pas une fausse perspective en pensant que nous pouvons l'aider par une réinsertion sociale qui, de toute façon, est peu pratique et lui serait préjudiciable.
Lettre de Vincent à Émile Bernard
Arles, fin août 1888
Ah, mes chers amis, nous, les fous, apprécions tout de même l'œil, n'est-ce pas ? Hélas, la nature se paye sur la bête, et nos corps sont ignobles et parfois une lourde charge.
Lettre de Vincent à Émile Bernard
Arles, septembre 1888 (deuxième lettre)
L'art est long et la vie est courte, et il faut être patient en essayant de vendre chèrement sa peau.
Lettre de Vincent à Émile Bernard
Arles, novembre 1888
Il me semble que nous-mêmes ne servons que d'intermédiaires et que ce ne sera qu'une prochaine génération qui parviendra à vivre en paix. Enfin, tout cela, nos devoirs et nos possibilités d'action ne peuvent nous apparaître plus clairement qu'à travers l'expérience elle-même.
Lettre de Vincent à Émile Bernard
Saint-Rémy, novembre 1889
... mais la réalité moderne a une telle emprise sur nous que même en essayant de reconstituer abstraitement les temps anciens dans nos pensées, à ce moment précis, les petits événements de notre vie nous arrachent à ces méditations, et nos propres aventures nous jettent de force dans des sensations personnelles : joie, ennui, souffrance, colère ou sourire.
Lettre de Vincent à Émile Bernard
Saint-Rémy, novembre 1889
La société rend parfois notre existence très pénible, et de là vient aussi notre impuissance et l'imperfection de notre travail.