Leçons de Van Gogh
Mentorat et coaching
Lettre de Vincent à Émile Bernard
Paris, fin 1887
Si vous avez eu une brouille avec un peintre, disons Signac, et que vous déclarez : « Si Signac expose là où j'expose, je retire mes tableaux », et que vous vous moquez de lui, alors il me semble que vous ne te comporte pas aussi bien que tu le pourrais. Au lieu de cela, il est plus sage de regarder longuement avant de porter des jugements catégoriques et d'engager une réflexion. A force de réflexion, nous voyons en nous-mêmes, dans les moments d'éloignement, autant de fautes de notre côté que de notre adversaire, et nous pourrions trouver autant de justifications à leurs actions que nous en désirons pour nous-mêmes.
Lettre de Vincent à Émile Bernard
Arles, fin avril 1888
Si j'ai un conseil à vous donner, c'est de commencer à vous construire en mangeant sain et simple dès maintenant, disons un an à l'avance, oui.
Lettre de Vincent à Émile Bernard
Arles, juin 1888 (deuxième lettre)
Votre mélancolie se dissipera, ce qui pourrait bien être dû au fait d'avoir trop peu de sang – ou de sang impur, bien que j'en doute. C'est le misérable et sale vin de Paris et la graisse grasse des steaks qui causent cela - mon Dieu, j'avais atteint un point où mon propre sang fonctionnait à peine, littéralement ne fonctionnait pas du tout, comme on dit.
Lettre de Vincent à Émile Bernard
Arles, juin 1888 (deuxième lettre)
Alors, au lieu de rentrer à Paris, restez en pleine campagne…
Lettre de Vincent à Émile Bernard
Arles, juin 1888 (deuxième lettre)
Après la période de mélancolie, vous serez plus fort qu'avant, votre santé s'améliorera et vous retrouverez la nature environnante si belle que vous n'aurez plus d'autre envie que de peindre.
Lettre de Vincent à Émile Bernard
Arles, juin 1888 (deuxième lettre)
Je crois que ta poésie évoluera aussi dans le même sens que ta peinture.
Lettre de Vincent à Émile Bernard
Arles, juin 1888 (troisième lettre)
Dites, vous souvenez-vous de Jean-Baptiste de Puvis [de Chavannes] ? Je trouve ça incroyable, et tout aussi magique qu'Eugène Delacroix.
Lettre de Vincent à Émile Bernard
Arles, juin 1888 (troisième lettre)
Ces paroles prononcées que, en grand seigneur prodigue, il n'a même pas daigné écrire, représentent l'un des plus hauts sommets atteints par l'art, où il devient une force créatrice, une pure puissance créatrice. Ces réflexions, mon cher ami Bernard, nous emmènent très loin – très loin – nous élevant au-delà de l’art lui-même. Ils nous permettent d’entrevoir – l’art de créer la vie, l’art d’atteindre l’immortalité – vivant.
Lettre de Vincent à Émile Bernard
Arles, juin 1888 (troisième lettre)
Surtout, veillez à ce que votre sang soit en règle - vous n'irez pas loin avec l'anémie - la peinture va lentement - mieux vaut essayer de rendre votre constitution aussi dure que de vieilles bottes. ... Mieux vaut vivre comme un moine qui va au bordel une fois tous les quinze jours - je fais ça, ce n'est pas très poétique, mon enfant - mais enfin - je sens qu'il est avant tout de mon devoir de subordonner ma vie à la peinture.
Lettre de Vincent à Émile Bernard
Arles, juillet 1888 (quatrième lettre)
Et quand il s'agit de vous, je ne saurais trop vous encourager à jeter un long regard sur les hollandais majeurs et mineurs... Ici il ne s'agit pas seulement de pierres précieuses étranges, mais il s'agit de trier les merveilles parmi les merveilles. .. Alors pour vous, je ne peux que dire, allez, regardez d'un peu plus près que ça; vraiment, ça vaut mille fois l'effort.
Lettre de Vincent à Émile Bernard
Arles, juillet 1888 (quatrième lettre)
Il est possible que ces grands génies ne soient que des imbéciles, et pour avoir une foi et une admiration sans limites à leur égard, il faudrait aussi être un imbécile. C'est peut-être le cas : je préférerais ma folie à la sagesse des autres.
Lettre de Vincent à Émile Bernard
Arles, début août 1888
Je dois d'abord vous parler de vous, de deux natures mortes que vous avez peintes et des deux portraits de votre grand-mère. Avez-vous déjà fait mieux, avez-vous déjà été plus vous ? Pas à mon avis. L'étude approfondie de la première chose qui m'est venue à l'esprit a suffi pour vraiment créer. Savez-vous ce qui m'a fait tant aimer ces trois ou quatre études ? Le je ne sais quoi de quelque chose de délibéré, de très sage, la qualité spéciale de quelque chose de stable, de ferme et de sûr de soi qu'ils montraient.
Lettre de Vincent à Émile Bernard
Arles, début août 1888
Pour toi, mon pauvre cher ami Bernard, je l'ai déjà prédit ce printemps. Mangez bien, faites bien l'exercice militaire, ne baisez pas trop, votre peinture, en ne baisant pas trop fort, n'en sera que plus vigoureuse. Ah, Balzac, ce grand et puissant artiste, nous disait déjà que pour les artistes modernes, une chasteté relative les fortifie.
Lettre de Vincent à Émile Bernard
Arles, début août 1888
Ces études, dont je parle en premier lieu, voyez-vous, sont la première gorgée de votre printemps d'artiste. Si nous voulons avoir une bonne passion pour notre travail, il faut parfois se résigner à se livrer un peu sexuellement et pour le reste, selon notre tempérament, être soldats ou moines. Les Hollandais, une fois de plus, avaient des mœurs et une vie paisible, calme, réglée.
Lettre de Vincent à Émile Bernard
Arles, septembre 1888 (deuxième lettre)
Vous sortirez de l'épreuve de votre service beaucoup plus fort et assez fort pour toute une carrière d'artiste ou - cassé.
Lettre de Vincent à Émile Bernard
Arles, octobre 1888 (première lettre)
Si votre père avait un fils prospecteur et découvreur d'or brut parmi les galets et sur le pavé, votre père ne mépriserait certainement pas ce talent. Maintenant, à mon avis, vous avez absolument l'équivalent de cela. Votre père, s'il pouvait regretter que ce [votre tableau] ne fût pas de l'or neuf et brillant, frappé à Louis, entreprendrait de faire une collection de vos trouvailles, et de ne les vendre qu'à un prix raisonnable. Laissez-le faire de même pour vos peintures et dessins, qui sont aussi rares et aussi précieux sur le marché que des pierres rares ou des métaux rares. C'est absolument vrai : un tableau est aussi difficile à faire qu'un gros ou un petit diamant à trouver.
Vincent's Letter to Émile Bernard
Arles, octobre 1888 (première lettre)
Au final, ça marchera toujours car j'aime tellement ton talent que j'aimerais faire petit à petit un petit recueil de tes oeuvres.
Lettre de Vincent à Émile Bernard
Arles, October 1888 (Second Letter)
Pour ton portrait – tu sais – je l'aime beaucoup – j'aime tout ce que tu fais de toute façon comme tu le sais – et peut-être que personne n'a aimé ce que tu fais autant que moi avant moi.
Lettre de Vincent à Émile Bernard
Arles, octobre 1888 (deuxième lettre)
Je vous conseille vivement d'étudier le portrait, d'en faire le plus possible, et de ne rien lâcher - il faut attirer le public par le portrait à l'avenir - à mon avis, l'avenir est là -dedans.
Lettre de Vincent à Émile Bernard
Saint-Rémy, novembre 1889
Non, tu sais faire mieux que ça, et tu sais qu'il faut chercher le possible, le logique, le vrai, même si tu oublies des choses parisiennes comme [Charles] Baudelaire.
Lettre de Vincent à Émile Bernard
Saint-Rémy, novembre 1889
L'année dernière, d'après ce que m'a dit Gauguin, vous travailliez sur un tableau... Au premier plan, une figure de jeune fille en robe bleue ou blanche, allongée de tout son long sur l'herbe. Derrière elle, une lisière d'un bois de hêtres, le sol couvert de feuilles rouges tombées, et les troncs vert-de-gris le traversant verticalement. J'imagine les cheveux comme un accent coloré, dans un ton complémentaire à la robe blanche : noir si le vêtement était blanc, orange si le vêtement était bleu. Mais peu importe, je me suis dit, quel sujet simple, et avec quelle habileté il sait créer de l'élégance à partir de rien.
Lettre de Vincent à Émile Bernard
Saint-Rémy, novembre 1889
Gauguin m'a parlé d'un autre sujet [de Bernard], rien que trois arbres, comme un effet de feuillage orange sur un ciel bleu mais toujours très net, bien découpé, catégoriquement, en plans de couleurs contrastées et pures - c'est comme ça ! Et quand je compare ça à ce cauchemar d'un Christ au Jardin des Oliviers, ça me rend triste, et je te redemande fermement de toute la force de mes poumons de bien vouloir redevenir un peu plus toi-même.
Lettre de Vincent à Émile Bernard
Saint-Rémy, novembre 1889
Je vous parle de ces deux toiles, surtout de la première, pour vous rappeler que pour donner une impression d'angoisse, on peut essayer de le faire sans viser directement le jardin historique de Gethsémané. Et pour dépeindre un motif consolant et doux, point n'est besoin de représenter les personnages du Sermon sur la Montagne...