Leçons de Van Gogh
Démarche Artistique
Lettre de Vincent à Émile Bernard
Arles, mi-avril 1888
Certes, l'imagination est une capacité qu'il faut développer, et elle seule nous permet de créer une nature plus exaltante et consolante que ce qu'un simple regard sur la réalité (que nous percevons changer et passer rapidement comme l'éclair) nous permet de voir.
Lettre de Vincent à Émile Bernard
Arles, mi-avril 1888
Je ne suis aucun système de travail au pinceau; J'ai frappé la toile avec des touches irrégulières, les laissant telles quelles - des empâtements, des taches de toile découvertes et des coins délibérément inachevés ici et là. Je retravaille et embrasse la rugosité dans ma technique. Le résultat, j'ai tendance à le croire, est suffisamment inquiétant et ennuyeux pour remettre en question les idées reçues de ceux qui ont des idées préconçues sur la technique.
Lettre de Vincent à Émile Bernard
Arles, mi-avril 1888
Tout en travaillant toujours directement sur place, je m'efforce de capturer l'essentiel dans le dessin. Ensuite, je remplis les espaces à l'intérieur des contours, qu'ils soient exprimés ou non, en utilisant des tons simplifiés. Par exemple, tout ce qui représente le sol partage le même ton violacé, le ciel entier a une tonalité bleue et la verdure prend soit des verts bleus, soit des verts jaunes. Dans certains cas, j'exagère intentionnellement les qualités jaunes ou bleues.
Lettre de Vincent à Émile Bernard
Arles, juin 1888 (première lettre)
Car l'artiste japonais fait fi de la réflexion, choisissant de juxtaposer des tons unis, ce qui donne des lignes caractéristiques qui définissent naïvement des mouvements ou des formes.
Lettre de Vincent à Émile Bernard
Arles, juin 1888 (deuxième lettre)
Mieux vaut créer des images naïves semblables à celles que l'on trouve dans les almanachs de la vieille campagne, où la grêle, la neige, la pluie et le beau temps sont représentés de manière tout à fait primitive.
Lettre de Vincent à Émile Bernard
Arles, juin 1888 (deuxième lettre)
Hélas, hélas, c'est bien comme le dit notre excellent pote Cyprien dans "En ménage" de J. K. Huysmans : Les plus beaux tableaux sont ceux dont on rêve en fumant la pipe dans son lit, mais qu'on ne fait pas. Il s'agit pourtant de les attaquer malgré le sentiment d'incompétence face aux perfections ineffables et aux splendeurs glorieuses de la nature.
Lettre de Vincent à Émile Bernard
Arles, juillet 1888 (troisième lettre)
Je vous montre un peintre qui rêve et qui peint avec imagination…
Lettre de Vincent à Émile Bernard
Arles, début août 1888
Nous artistes amoureux de l'ordre et de la symétrie, nous nous isolons et travaillons à définir une seule chose.
Lettre de Vincent à Émile Bernard
Arles, octobre 1888 (deuxième lettre)
... Je ne travaille jamais de mémoire.
Lettre de Vincent à Émile Bernard
Arles, octobre 1888 (deuxième lettre)
... mais je fais ce que je fais avec un abandon à la réalité, sans penser à ceci ou à cela.
Lettre de Vincent à Émile Bernard
Arles, octobre 1888 (deuxième lettre)
Et je ne peux pas travailler sans modèle. Je ne dis pas que je ne tourne pas carrément le dos à la nature pour transformer une étude en tableau - en arrangeant la couleur, en agrandissant, en simplifiant - mais j'ai tellement peur de m'écarter du possible et du tout aussi en ce qui concerne la forme.
Lettre de Vincent à Émile Bernard
Arles, octobre 1888 (deuxième lettre)
Mais en attendant, je travaille toujours d'après nature. J'exagère, je modifie parfois le sujet, mais finalement, je n'invente pas l'ensemble du tableau ; au contraire, je la trouve toute faite - mais à démêler - dans la nature.
Lettre de Vincent à Émile Bernard
Saint-Rémy, octobre 1889
... Je ne dis pas pour la couleur - mais comme caractère, comme quelque chose de significatif, comme quelque chose en quoi on a une foi ferme.
Lettre de Vincent à Émile Bernard
Saint-Rémy, novembre 1889
Quand Gauguin était à Arles, comme vous le savez, une ou deux fois je me suis livré à l'abstraction, dans le fauteuil à bascule, une liseuse de romans noire dans une bibliothèque jaune, et puis l'abstraction m'a semblé une voie charmante. Mais c'est un territoire enchanté – ma chère – et on se retrouve vite devant un mur. Je ne dis pas qu'après toute une vie virile de recherche, de lutte avec la nature au corps à corps, on peut s'y risquer mais moi, je ne veux pas me casser la tête avec ces choses.
Lettre de Vincent à Émile Bernard
Saint-Rémy, novembre 1889
... dans mon travail, j'ai trouvé le danger dans ces abstractions. Et en travaillant tranquillement, les beaux sujets viendront d'eux-mêmes ; il s'agit avant tout de se replonger dans la réalité sans plan conçu à l'avance...
Lettre de Vincent à Émile Bernard
Saint-Rémy, novembre 1889
Savoir diviser ainsi une toile en grands plans enchevêtrés, trouver des lignes contrastées, des formes - c'est de la technique - de la ruse, si vous voulez, mais au final, c'est que vous approfondissez votre métier et c'est bien.
Lettre de Vincent à Émile Bernard
Saint-Rémy, novembre 1889
... mais c'est parce que j'essaie de me revigorer à force de travail et j'ai peur que les abstractions ne m'adoucissent.
Lettre de Vincent à Émile Bernard
Saint-Rémy, novembre 1889
As-tu vu une de mes études avec une petite faucheuse ? Un champ de blé jaune et un soleil jaune. Ce n'est pas ça - et pourtant là-dedans, j'ai encore attaqué cette question diabolique du jaune. Je parle de celui qui est empâté et fait sur place, pas de la répétition hachurée où l'effet est plus faible.